mardi 29 mai 2012

L'aâjar ou voilette


Depuis l'antiquité jusqu'aux XIVe et XVe siècles, le port du voile s'est répandu à Alger au gré de la croissance et de l'évolution sociale.

Quand Alger, au XVIe siècle, est devenue la capitale du pays, on voit le voile faire partie du costume de toutes les citadines. Pour continuer à signifier leur distinction, les dames les plus fortunées avaient recours à deux ajouts successifs : la voilette qui couvre le bas du visage et la coiffe haute qui modifie la forme du voile, différenciant ainsi les silhouettes. Ces deux options s'étaient conjuguées dans les grandes métropoles de la méditerranée orientale, comme Istanbul et l'Egypte où les femmes possédaient, depuis l'époque mamelouk, une variété de voiles de tête. En Espagne musulmane, les citadines les plus distinguées portaient parfois une sorte de mouchoir de gaze attaché derrière la tête et voilant le bas du visage au-dessous des yeux. Selon certains voyageurs qui étaient de passage à Alger vers 1550, les algéroises ne portaient pas de voilette à cette époque-là. Lasse de réajuster les pans de leur voile au niveau de leur visage, les algéroises choisissent la voilette. Une solution qui leur évite de rester trop longtemps le bras soulevé à une certaine hauteur. Lors des sorties, elles portent comme les hommes un feredge dont les manches sont si longues qu'on ne voit que les bouts des doigts. Si ce procédé est reposant pour le bras, il n'en demeure pas moins qu'il n'offre ni l'aération, ni l'ampleur encore moins la légèreté du voile drapé. Les femmes d'Alger conservent leur voile blanc muni de fibules accompagné d'une voilette de soie de même couleur, appelé le plus communément aâdjar.

A la fin du XVIe siècle, l'abbé Haëdo évoque la voilette des algéroises en affirmant que « pour ne pas être vues hors de chez elles, celles-ci se couvrent la figure d'un voile blanc fin qu'elles attachent par un nœud derrière la nuque, au-dessous des yeux et du front qui restent à découvert ». Les écrits de ce même auteur concernant les activités quotidiennes des femmes d'Alger ne laissent pas penser que le port de ce tissu sur le visage ait répondu à un changement du statut des Algéroises durant l'époque ottomane, au contraire l'abbé a insisté sur leurs occupations autres que domestiques avec un ton assez critique, en déclarant qu'elles consacrent beaucoup de temps à aller chez leurs amis, et à se rendre visite. Il est à noter que bien que le royaume étant sous la tutelle ottomane, le port de la voilette n'était pas à l'époque pour les femmes d'Alger synonyme de perte de liberté. Au début du XVIIIe siècle, Laugier de Tassy observe le costume de sortie des Algéroises : « Lorsqu'elles sortent, elles se couvrent le visage d'un mouchoir blanc, du menton jusqu'au-dessous des yeux, et s'enveloppent tout le corps de la tête jusqu'aux pieds d'une pièce d'étamine blanche. » Ainsi, la voilette du visage s'est inscrite dans un processus de distinction entre les 4/5 des Algéroises musulmanes, et le 1/5 des Algéroises qui sont de confession juive. Une association de la serma du voile et de la voilette a atteint son apogée au XVIIIe siècle, cependant la serma disparaît et le voile à fibules rompt la longue stabilité qui a caractérisée son parcours depuis plus de 2000 ans. (Djazairess.com)

Sur les plans esthétique et technique il existe à Alger de grandes variétés de broderie exécutée avec raffinement et ingéniosité. Certaines voilettes (aâjar), à la fois délicates et somptueuses, peuvent être perçues comme des œuvres d’art et classées parmi les plus remarquables travaux d’aiguille.

La créativité et le génie de la femme Algéroise, par cet art séculaire, a su d’une part traduire l’expression personnelle d’une ville à multiples influences et, d’autre part, refléter un art de vivre ancestral.

L’aâjar, c’est aussi un témoignage sociologique des mutations qu’ont connues la société algérienne et tout particulièrement la femme. Avec l’introduction de nouveaux modes vestimentaires (hidjab, djilbab, etc.) n’ayant aucun rapport avec la tradition purement algérienne, le port du aâjar est devenu rarissime.

Pour les générations qui l’avaient porté avec sérénité, coquetterie et raffinement, c’est surtout l’évocation de moments solennels, de sorties, de joie et de convivialité.

El Hayek et l’aâjar ont été l’affirmation d’une identité et le symbole d’une résistance à l’occupation coloniale. En effet, aux premiers jours de l’indépendance, en juillet 1962, les Algériennes se sont impliquées dans la mission de l’édification d’une Algérie indépendante et moderne. Et, à cette date, la majorité d’entre elles ont malheureusement quitté "définitivement" le voile au profit d’habits (hidjab, djilbab, etc.) venus pour essentiellement du moyen orient.








Voici quelques anciens modèles du aâjar authentique :










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